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La poésie slam de Sylvainkimouss
La poésie slam de Sylvainkimouss
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29 janvier 2007

La mort est belle, suite

Suite de la dernière note. Rodney, le GI à l'âme malade, continue sa lettre. Pour lever la moindre ambiguïté, je ne trouve pas personnellement la mort belle. Mais je reviendrais dessus juste après.

"..."Non, je ne pense pas seulement à ça. C'est surtout à la joie de tuer que je pense, non seulement parce qu'on reste vivant tandis que les autres meurent, mais aussi parce qu'il n'est pas de plaisir comparable à celui de tuer, il n'est pas de sensation comparable à celle, si prodigieuse, de tuer, d'arracher à un autre être humain, absolument identique à nous, absolument tout ce qu'il possède et qu'il est, on sent alors ce qu'on ne pouvait même pas imaginer pouvoir sentir, une sensatoin semblable à celle qu'on a dû éprouvé en naissant et qu'on a oubliée, ou à celle éprouvée par Dieu au moment de nous créer, ou à celle qu'on doit avoir au moment d'accoucher, oui, c'est exactement ce qu'on ressent quand on tue, n'est-ce pas papa ? La sensation finalement d'accomplir quelque chose d'important, de véritablement essentiel, quelque chose pour quoi on s'était préparé toute sa vie sans le savoir et qui, si on n'avait pu l'accomplir, aurait fait de nous irrémédiablement des déchets, des hommes sans vérité, sans cohésion, sans substance, parce que tuer est si beau que cela nous complète, nous oblige à atteindre des zones de nous-mêmes qu'on ne soupçonnait pas du tout, c'est comme si on se découvrait, comme si on découvrait d'immenses continent de faune et de flore inconnues là où on n'imaginait qu'une terre colonisée, et c'est pourquoi à présent, après avoir connu la beauté transparente de la mort, la beauté illimitée et étincelante de la mort, je me sens grandi, comme si je m'étais élargi et rallongé et prolongé au-delà de mes limites antérieures, si mesquines, et c'est pourquoi je pense aussi que tout le monde devrait avoir le droit de tuer afin de s'élargir, de se rallonger et de se prolonger autant qu'il peut, afain d'atteindre l'extase et la béatitude que j'ai vues sur le visage de ceux qui tuent, afin de se connaître à fond en allant aussi loin que la guerre le permet, et la guerre permet d'aller très loin et très vite, chaque fois plus loin et plus vite encore, plus vite, plus vite, plus vite, il y a des moments où soudain tout s'accélère et où il y a une fulguration, un vestige ou un eperte, et la certitude dévastatrice que si on arrivait à voyager plus vite que la lumière on verrait l'avenir. Voilà ce que j'ai découvert. Voilà ce que je sais maintenant...."

Alors, il va de soit qu'il ne faut pas prendre ce texte au pied de la lettre. Rien n'excuse ou ne tolère un meurtre. Mais voilà, ceci est perçu par les bonnes âmes comme évident. Sur cette planète cependant, on le sait, c'est très douloureux à avouer, il y a plaisir à faire du mal. La guerre est le prisme le plus puissant, le plus diabolique, pour comprendre cette étrange et lugubre partie de la nature humaine. Depuis des millénaires, les témoignages ont afflué. Confrontés à la violence, à la mort, à la guerre donc, certains êtres humains ont la révélation de prendre du plaisir. A tuer, à torturer, que sais-je. Des appelés de la guerre d'Algérie, pacifistes pour certains à l'origine (!), ont commis les pires horreurs. Les GI américains, des gamins pour la plupart, se sont comportés au Viet-Nam comme les pires psychopathes. Ils n'avaient pas fait de mal à une mouche avant de fouler le sol vietnamien.

Perso, ce qui m'a toujours un peu intrigué, et agacé, c'est la représentation toujours un peu mystique et finalement très facile que les Américains, soldats ou pas d'ailleurs, aiment donner du Viet-Nam. "Une terre sauvage, belle, hostile et blablabla..." Combien de films à l'esthétique travaillée, aux histoires lyriques, au récit téléphoné mal-contre-le-bien-mais-tu-sais-parfois-le-mal-se-cache-derrière-le-bien-héhéhéhé. Combien de bouquins alambiqués, tentant de décrire le blues des GI bercés par les riff de Hendrix et des Stones... ? Bref, une imagerie. Une ambiance. Un style. Evidemment des clichés. Des stéréotypes. Une oeuvre, un esprit "vietnam" a perduré. J'ai rarement entendu le point de vue des Vietnamiens. Toutes ces chichiteries, souvent brillantes faut le reconnaître, que valent-elles ? Je ne pense pas que les Vietnamiens aient compris grand-chose à ce fatras névrotique. Ils sont les victimes et les vainqueurs de cette guerre démentielle. On l'oublie toujours trop vite.

Ce texte, que j'ai reproduit, est un bon exemple de ce que la guerre peut fabriquer dans les cerveaux. Vietnam ou pas Vietnam, la poésie sort des crânes, inquiétante, effrayante. Oui, il y a une part de vérité dans tout ça. Sinon les soldats ne se dégommeraient pas ainsi. Mais ça ne leur donne aucune excuse, on est bien d'accord.

Vietsmiles

Le Viet-Nam a "reçu" à lui seul deux fois plus de bombes que TOUS les pays victimes de la seconde guerre mondiale. Les enfants "Viets" sont bien vivants. Les miracles existent-ils ?..

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Commentaires
B
Texte très intense...à lire sans juger je crois, pour notre génération qui ne connaît la guerre que par la télévision. Pas besoin de savoir s'il faut ou non trouver une excuse à ces mots, ils sont sortis brut et vrais, mailgré l'horreur de la réalité.<br /> Il nous renvoie aussi à nos propres mensonges, plutôt dur à accepter...
La poésie slam de Sylvainkimouss
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